Le 20 septembre 1960, il décroche un contrat à l'Alhambra.Il doit passer en vedette anglaise du spectacle de Raymond Devos.Ce soir-là, pour la première fois, il portera un costume de scène noir.Pour lui, c'est la couleur du rock.
A l'orchestre, le Tout-Paris, les stars, les journalistes.Au balcon les fans, les copains du square de la trinité et du golf Drouot.Johnny démarre, nerveux, avec tutti frutti.A la quatrième chanson, il se laisse glisser sur les planches poussiéreuses, les jambes écartées, et se relève lentement, à coups de hanches, sans interrompre son solo de guitare.Jeu de scène sensuel, sacrément culotté, mille fois répété dans sa chambre devant l'armoire à glace. Le balcon éclate de joie et le parterre d'indignation.On s'insulte,on se prend au collet dans la salle.En une soirée, Johnny est baptisé le prince du tumulte mais le lendemain, dans les quotidiens, les critiques lui brisent les reins.
Quelques semaines plus tard, prêt à prendre tous les risques, Johnny monte sur la scène de l'Alcazar de Marseille.C'est une salle mythique, redoutée des plus grands.Ou le public vous adopte et vous prend dans ses bras ou il vous méprise et vous jette aux chiens.Le jeune Hallyday va chanter pendant plus d'une heure et demie devant un public enthousiaste.
Le 28 Février 1961, au Palais des Sports, une horde de cinq mille spectateurs s'est entassée pour assister au premier festival de rock'n roll.Johnny, pour la circonstance, porte un spencer lamé or, un pantalon noir à baguettes de soie.Une tenue de matador pour affronter l'arène.A la troisième chanson, dès les premières notes de tutti frutti, il enlève sa veste, tombe à genoux, la guitare dans le dos.C'est alors que les fauteuils commencent à voler.
Le public avait envie de danser et voulait faire de la place, mais les flics qui étaient dans la salle se sont lancés dans la mêlée à grand coups de matraque.Le lendemain, on pouvait lire dans la presse Le sang coule: 5 policiers blessés, 85 arrestations au Palais des Sports.Mais dans le figaro,on parle du phénomène Hallyday.Un phénomène qui n'a pas échapper à Johnny Stark, grand, brillant, beau parleur qui mène sa vie comme un flambeur.Il propose à Hallyday de devenir son manager.Les deux hommes vont faire un bout de chemin ensemble. La tournée de Johnny dans toute la France est ponctuée de bagarres et de scènes d'émeutes.Johnny Stark est obligé d'engager un service d'ordre pour protéger l'idole des jeunes de ses admirateurs.Un soir de concert,à Valence, Hugette est dans la salle.Dans sa loge, les larmes aux yeux, le visage couvert de sueur, Johnny prend sa mère dans ses bras.Il l'embrasse et murmure à son oreille : Maman ! Il ne l'avait pas revue depuis quatre ans.
Le 15 Juin 1961,pour l'anniversaire de ses 18 ans, Johnny Stark lui offre sa première voiture : une Triumph TR3 blanche décapotable.La même année, il tourne et chante dans un sktech du film de Marc Allégret Les Parisiennes .
Le 22 Septembre 1961,enfin, Johnny joue son vatou sur le scène de l'Olympia.Là,ce sera ou la consécration ou l'adieu aux armes.Hallyday va remporter un triomphe pendant plus de trois semaines.Les années qui suivent vont être passablement délirantes.Johnny n'était pas préparé à cette folie,à cette idolâtrie.Il n'avait que dix-huit ans.
Qui n'aurait pas la tête qui tourne, le coeur qui bat à tout rompre, l'envie d'étreindre tous ces spectateurs qui vous adorent ? On devine déjà qu'ils vont s'emparer de votre vie, vous obliger peut-être à en vivre une autre, conforme à l'image qu'ils se font de vous.La rançon de la gloire, disent-ils ? Certes, mais Johnny, inconsciemment sans doute, est déjà prêt à en payer le prix.